Après trois années de transition, le Parti Fusion des Sociaux-Démocrates Haïtiens (FUSION/PFSDH) croit important et nécessaire d’appeler tous nos compatriotes d’ici et d’ailleurs à prendre la mesure de la gravité de la situation actuelle , à accepter de faire sans complaisance une analyse profonde de ce qui nous arrive en tant que peuple et à réfléchir sur le « que faire » pour sortir notre pays de ce cercle vicieux de crises de toutes sortes à répétition.  La tentation est grande de faire porter la responsabilité de tous nos malheurs à nos adversaires et trop souvent à l’étranger.  Les pays dits amis ont certes contribué de près ou de loin, directement ou indirectement à nous conduire là où nous sommes, mais nous devons admettre que même si ce qui se passe chez nous, est souvent surdéterminé par des influences ou des ingérences extérieures, quelque part la politique interne est conduite par des nationaux et la mauvaise gouvernance est imputable à tous : aux haïtiens et haïtiennes, aux politiques, au secteur privé et la société civile.  Notre destin en tant que peuple, en tant que Nation est d’abord entre nos mains et il nous incombe de prendre les dispositions pour redresser la barque nationale et la conduire à bon port.

La FUSION se pose la question et la pose à tous nos compatriotes par-delà les clivages politiques, économiques et sociaux : pourquoi face à l’effondrement quasi-total de nos institutions, face au risque de perte réelle de notre souveraineté et de mise sous tutelle de notre pays, nous n’arrivons pas à faire le dépassement indispensable en vue de construire le consensus nécessaire pour concevoir et apporter des solutions durables ?

Après le choc traumatique causé par l’assassinat de l’ancien président, Son Excellence Jovenel Moise, la FUSION et d’autres qui étaient dans l’opposition, avaient compris qu’il fallait un sursaut, un réveil citoyen pour ramener le pays sur la voie de la démocratie institutionnelle, passage obligé pour rebâtir notre économie et répondre aux attentes multiples de nos concitoyennes et concitoyens.  Nous avons choisi la seule voie qui semblait appropriée en la circonstance : soutenir celui que l’ancien président défunt avait choisi pour conduire la politique de la Nation.  Ce n’est pas un hasard si nous n’avions pas participé à son premier gouvernement.  Il ne s’agit pas alors de nous battre pour des postes, mais nous voulions plutôt contribuer à faire prendre une nouvelle direction au pays.

La FUSION avec d’autres acteurs, a contribué fortement à l’élaboration de l’Accord Pour Une Gouvernance Efficace et Apaisée De La Période Intérimaire dit Accord du 11 septembre.  Ce document aurait pu permettre de rassembler les Haïtiennes et les Haïtiens autour d’un projet commun pour faire face aux nombreux défis du moment.  Malheureusement, plusieurs acteurs n’ont pas voulu saisir cette opportunité pour des raisons que nous ne voulons pas juger.  Il faut rendre cette justice au Premier ministre qui a toujours voulu obtenir un consensus plus large autour de cet accord.  C’est ce qui a conduit à la signature le 21 décembre 2022 du Consensus National Pour Une Transition Inclusive et des Élections. De nombreux autres acteurs de la société civile et du secteur privé ont paraphé ce document. 

Face à la détérioration de la situation sécuritaire et au maintien du Premier ministre en dehors du pays, les parties prenantes des deux accords précédents ont fait preuve de leur capacité de dépassement de leurs intérêts immédiats, en acceptant la décision de celui-ci de passer le flambeau à celles et ceux qui refusaient tout compromis.  La formule imposée par la communauté régionale de mettre en place une présidence collégiale de sept membres avec deux observateurs, a été entérinée à la Jamaïque en dépit du fait que nombre d’acteurs étaient sceptiques quant aux chances de succès de cette démarche expérimentale.

Aujourd’hui, cette structure est en place, il y a un nouveau Premier ministre et un nouveau gouvernement est aussi en place.  La FUSION ne peut que souhaiter la réussite de cet attelage. Les dissensions qui sont étalées publiquement, défraient la chronique sur les réseaux sociaux et font craindre un éclatement qui serait préjudiciable pour le pays tout entier. Les échos de scandales de corruption, de tentatives de racket de dirigeants d’établissements publics éclaboussant des membres du Conseil Présidentiel de Transition, révoltent les citoyennes et les citoyens et font craindre une implosion de cette structure.

Nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de continuer à offrir ce spectacle désolant à notre jeunesse et au monde entier, à un moment où l’environnement sécuritaire se dégrade. Le gouvernement précédent, en constatant les faiblesses de nos forces de sécurité a pris l’initiative de solliciter un soutien robuste de la communauté internationale.  Cette demande a été produite en octobre 2022.  Une réponse est intervenue une année plus tard.  Dix mois après on n’arrive pas à trouver des volontaires pour constituer une force de deux mille cinq cents hommes et femmes.  On n’arrive pas non plus à mobiliser le financement nécessaire pour la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS). Nous devons nous rendre à l’évidence qu’au niveau international, il y a ce qu’ils appellent « une Haïti fatiguée ». 

La réticence des pays dits amis à nous venir en aide une fois de plus est certainement une conséquence du fait que depuis la chute de la dictature en 1986, nous nous sommes montrés incapables de prendre en main la gestion rationnelle de nos institutions. Il est dès lors compréhensible que lesdits amis se montrent réticents à dépenser l’argent de leurs contribuables et à envoyer leurs policiers et leurs soldats risquer leur vie pour des Haïtiens qui s’entredéchirent et n’arrivent pas à s’entendre sur les questions les plus élémentaires, ou pour des élites qui ne pensent qu’à leur pouvoir et à leurs privilèges scandaleux dans un pays dont la moitié de la population vit en insécurité alimentaire.  Quels arguments nos diplomates ou ce qui en reste, vont utiliser pour convaincre un pays partenaire à nous venir en aide pour garantir le pouvoir d’élites politiques et économiques qui ont la réputation à tort ou raison, d’être des corrompus qui ne pensent qu’à se reproduire au pouvoir ?

Chez nous, ces temps-ci, tout est sujet à controverses et à des disputes interminables.  Tous les segments de la société se divisent sur tout.  Exemple : la mise en place d’un énième Conseil Électoral Provisoire (CEP) indépendant et les luttes fratricides dans les différents secteurs appelés à choisir l’un des neuf membres sont autant de preuves de la difficulté à rassembler les Haïtiennes et les Haïtiens en vue d’une solution durable de nos crises.  Ces luttes féroces donnent le sentiment que les organisations sollicitées croient que la personnalité qu’il désigne ne fera pas partie d’un organisme indépendant, mais sera à leur service pour favoriser leurs candidats lors des prochaines élections.  C’est la recette parfaite pour des élections contestées et une prolongation des crises politiques.

Ce n’est pas avec un état d’esprit pareil que nous allons réussir à combattre les gangs armés.  Ce n’est pas avec ce type de comportement que nous allons convaincre les dits amis de nous aider à rétablir l’autorité de l’état.  Ce n’est pas avec les pratiques décrites ci-dessus que nous allons parvenir à mettre en place des institutions crédibles capables de rassembler autour d’un projet commun.

Notre société est minée par la méfiance entre les acteurs à tous les niveaux.  Il est devenu vital que nous puissions tous transcender nos intérêts individuels ou plutôt faire en sorte que nos intérêts coïncident avec ceux de la Nation.  La lutte contre l’insécurité passe par la lutte contre la pauvreté abjecte qui frappe trop nos compatriotes. Si nous n’arrivons pas à vaincre la méfiance, nous ne pourrons pas inspirer confiance aux investisseurs dont nous avons besoin pour mettre en valeur nos potentiels économiques inexploités et créer des emplois durables pour notre jeunesse. Sans la confiance dans nos institutions et dans nos élus, nous ne parviendrons pas à nourrir notre population.  Les différentes préoccupations : nourrir la population, construire des infrastructures, rétablir un état de droit et un système judiciaire crédible devraient suffire à motiver les uns et les autres pour une mise en commun des énergies dans l’intérêt bien compris de tous.

Cette transition doit réussir dans le délai imparti. C’est pour cette raison que la FUSION/PFSDH en appelle au rassemblement des haïtiennes et des haïtiens pour sortir une fois pour toute de ces crises à répétition.  Nous en avons marre de devoir quémander l’aide internationale après avoir été, nous-mêmes, les artisans de nos malheurs.  Les défis sont nombreux.  Si nous voulons les surmonter avec succès dans les dix-huit mois qui viennent, cessons dès aujourd’hui nos querelles intestines, mettons-nous autour d’une table pour prendre les engagements nécessaires.  Evitons le pire.  Notre avenir dépend uniquement de nous.

Ayiti pap peri, N’ap chanje sa !

Port-au-Prince, le 26 juillet 2024



Le Directoire





Note de conjoncture – Parti Fusion

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